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Le paradoxe du restaurant

Refuser le second choix quand le premier n’est plus accessible : ce phénomène de dissonance cognitive est aussi présent chez les primates.

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Au restaurant, qui n’a jamais fait face au dilemme de choisir entre le carpaccio de saumon et la salade landaise? Comble du malheur, au moment où vous vous êtes enfin décidé pour le carpaccio, le serveur vous annonce qu’il n’en reste plus. Il se produit alors quelque chose d’étrange. En toute logique, vous devriez choisir la salade landaise, si proche dans votre ordre de préférence. Mais voilà, vous feuilletez la carte, découvrez d’autres possibilités alléchantes, et pour une raison obscure, il n’est plus question de salade landaise. Vous étiez à deux doigts de la choisir quelques secondes plus tôt, et la voilà bannie.

La cause de cet effet se nomme dissonance cognitive. Lorsque nous rejetons une option une première fois, il nous est difficile de la retenir ultérieurement. Si nous agissions ainsi, nous aurions une sensation d’incohérence, de conflit interne que les psychologues nomment dissonance cognitive, et qui pourrait se résumer en ces mots: comment vouloir ce qu’on n’a pas voulu?

Comme pour les autres facultés mentales humaines, les psychologues se demandent comment celle-ci a vu le jour. Quelles espèces animales sont douées de dissonance cognitive? Pour le savoir, des psychologues de l’Université du Mississippi du Sud ont soumis de multiples animaux au paradoxe du restaurant. Macaques, babouins, chimpanzés, perroquets, même des ours: tous sont passés par l’épreuve de la carte gastronomique, sous une forme simplifiée.
Dans ce test, l’animal doit d’abord choisir entre deux mets de saveurs comparables. On ôte ensuite le mets qu’il a choisi et on lui joie propose le mets dédaigné, en lui présentant en même temps un troisième à priori moins goûteux. L’animal qui choisirait le mets le moins goûteux au détriment de l’option écartée lors du premier test serait sujet à la dissonance cognitive. C’est ce qui a été observé pour toutes les espèces de primates testées (chimpanzés, babouins, plusieurs espèces de macaque, mangabey), mais pas pour l’ ours ni les oiseaux. Ours ou perroquets se comportent comme s’ils ne gardaient pas trace de leurs choix précédents, et abordaient chaque situation dans « l’instant présent », d’après les valeurs gustatives absolue des mets. Cette amnésie fait leur bonheur: pour eux point de paradoxe, et l’alimentation reste une activité heureuse et naïve.

S. West et al., The phytogenetic roots 0f cognitive dissonance. in Journal de 0f Comparative Biology. vol. 124. p. 425.2010 n

Source Cerveau & Psycho – n° 43 janvier-février 201 1

fabienne

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